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Nanouk l’Esquimau

Robert J. Flaherty | 1922 | Etats-Unis

Résumé du film

Là-haut dans l’Arctique canadien. Profitant de la saison d’été, Nanouk et sa famille, accompagnés d’autres Inuits, montent à bord d’un omiak pour rejoindre par la mer un comptoir. À peine arrivé, Nanouk échange les peaux d’ours et de renards qu’il a chassés contre des produits de première nécessité ou des friandises pour ses enfants. Nanouk s’étonne devant un étrange objet de la civilisation : un gramophone. D’où sort la voix de celui qui chante ?

Les obligations de chasse et de pêche reprennent le dessus. Nanouk doit repartir en quête de nourriture. Des morses sont signalés sur une île lointaine. Il était temps ! C’est une chasse dangereuse. Le morse, appelé le  « tigre du Nord », pèse deux tonnes. Il faut s’y mettre à trois ou quatre pour le tirer et le hisser sur terre pour le manger. Plus douce mais non moins technique, la pêche au saumon. Nanouk y est plus rêveur. L’hiver durcit le paysage de concrétions de glace. Nanouk construit son igloo pour ne pas mourir de froid pendant la nuit. Pendant ce temps, les enfants jouent. Il faut repartir, toujours repartir, toujours prévenir la hantise de la faim. Nanouk rétablit l’autorité du chef de meute un moment contesté. Coups de fouet, le traîneau file vers un nouveau trou de respiration. Nanouk l’observe et attend. Au fond se tient un phoque, le gibier par excellence pour lui. Le phoque est son mammifère le plus quotidien. Avec sa prise il tiendra plusieurs jours sans crier famine. Séquence du suspense time et du happy end : toute la famille accourt pour donner un coup de main à Nanouk pour dégager le phoque de son repaire souterrain. Que la nature accouche bien ! Au forceps, mais tout de même. Dévorer le phoque ne peut attendre. Le partage de sa chair entretient la vie sociale des Inuits. Pendant ce temps, les chiens montrent leurs crocs, eux aussi ont faim. La nuit arrive. Nanouk se remet en route. Il tombe enfin sur un igloo abandonné où il passera la nuit. La dernière séquence du film alterne des plans de Nanouk et sa famille blottis dans l’igloo et des plans des chiens de traîneau couchés dehors, recouverts de neige, figés par le froid et la glace. Le dernier plan du film est un gros plan de Nanouk. Il dort. Rêve-t-il de ses chiens ?

Pourquoi ce film a été choisi

Par Messaline Porchet Attinger, coordinatrice et responsable jeune public du cinéma Le Rex (92)

Souvent considéré comme le premier documentaire de l’histoire, Nanouk l’Esquimau a profondément marqué le paysage du cinéma moderne. Il est le premier d’un genre qui va se développer tout au long du 20ème siècle : le documentaire ethnographique. Le film est tellement mythique et a remporté un tel succès, qu’il a donné le nom aux glaces distribuées dans les salles de cinéma de l’époque, « les esquimaux ». Une belle manière de rappeler le lien privilégié qui existe entre les salles de cinémas et les films.

J’aime beaucoup pouvoir intégrer des films documentaires dans notre programmation École et cinéma et donner à ce genre la visibilité qu’il mérite. Comment différencier le documentaire et la fiction ? Si on arrive, la plupart du temps, très bien à le faire, dès qu’on en vient à tenter de les expliquer, à les définir, les choses se compliquent. Nuancer, nous permet de modifier la perception qu’ont parfois les spectateurs du documentaire et leurs rappeler que c’est bien de cinéma dont il s’agit. Nanouk en est le parfait exemple.

Flaherty pense que pour révéler la réalité il faut parfois la tordre, l’organiser. C’est-à-dire qu’il faut la mettre en scène. Donc, pour raconter la vie des Inuits au public occidental de l’époque, il va falloir la dramatiser. Chaque scène du film fonctionne comme un petit épisode avec sa dramaturgie et son issue. C’est idéal pour travailler la mise en scène avec les enfants. On trouve tout dans Nanouk : de l’aventure, de la tendresse et même du burlesque !

Au centre du film une question qui parle à tous les enfants : la famille. Le film narre la vie quotidienne d’une famille en Arctique. C’est donc aussi la découverte d’un territoire, de son bestiaire, de ses spécificités mais aussi de l’universalité de certaines choses. Le film pose la question, ô combien essentielle aujourd’hui, du rapport de l’homme à la nature. Nanouk, véritable héros qui irradie tous les plans par son sourire digne du plus bel acteur hollywoodien, sort sa famille de toutes les situations. C’est ce qui est formidable, c’est que Flaherty nous montre comment la vie peut se développer même dans les conditions les plus extrêmes. Et il le fait avec beaucoup de poésie. Chaque geste simple devient tout d’un coup une aventure : se nourrir, s’habiller, se déplacer et dormir.

Une séquence mémorable du film est celle de la chasse au phoque. C’est en fait un Inuit qui tire à l’autre bout de la corde. Cette supercherie permet à Flaherty une grande liberté de mise en scène. Par un habile jeu de cadrage et de montage, il fait monter progressivement la tension du spectateur : Nanouk et sa famille vont-ils pouvoir se nourrir ce soir ? Les chutes de Nanouk, qui bute et culbute, placent le corps de l’Inuit au centre de l’action. On se rappelle alors les grands acteurs burlesques de l’époque de Charlie Chaplin et Buster Keaton. On touche là à des problématiques qui fondent le cinéma.

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Extrait vidéo

Bibliographie

Nanouk et moi de Florence Seyvos
Nanouk et moi de Florence Seyvos
L’École des loisirs, 2010.
Comme mon père me l’a appris de Rascal
Comme mon père me l’a appris de Rascal
Éditions Pastel, 2009
Le Sourire de Kiawak de Carl Norac et Louis Joos
Le Sourire de Kiawak de Carl Norac et Louis Joos
Éditions Pastel, 1998.