Été 93

Par Gilles Tourman des Fiches du Cinéma

Inspiré de faits autobiographiques, ce premier long métrage de Carla Simón, illuminé par la présence de la petite Laia Artigas, qui rappellera aux plus anciens l’Ana Torrent du Cría cuervos de Carlos Saura (1976) par la puissance de ses regards et de ses silences, est en tout point magnifique. Tout sonne juste. Chaque scène nous ramène à nos propres jeunes années, depuis la joie de danser sur les pieds d’un plus grand que soi jusqu’à la cruauté inhérente à l’enfance - ainsi, lorsque Frida, 6 ans, incite Paula, 3 ans, à aller où elle n’a pas pied... Qui, enfant, n’a jamais souhaité, sous le coup de la colère, et sans prendre la pleine mesure de ce que cela implique, la mort d’un parent ?

Entre orages et jours lumineux, arêtes escarpées et paysages sylvestres - tour à tour bucoliques et oppressants -, la région montagneuse de Garrotxa, en Catalogne, illustre à l’envi les âpretés sentimentales du récit, mais aussi la majesté de l’amour qui se nouera. C’est peu dire qu’on ressent ici la tendresse de la réalisatrice pour les enfants - auxquels elle enseigne par ailleurs le 7e art via son association Young for Films - et pour la structure familiale - nucléaire ou élargie - dès lors que la bienveillance l’anime. Astucieusement intégrées aux situations, les musiques jazzy et traditionnelles catalanes ponctuent le rythme avec justesse. Cerise sur le gâteau, le film rappelle aux plus jeunes, sans jamais être pesant, ce que fut et reste le sida. Été 93, qui aurait pu n’être qu’une simple chronique, se transforme, par le jeu d’une tension délicate et progressive, en une émouvante variation autour du thème de la résilience.