Petit Fugitif (Le)
Résumé du film
Matin d’été à Brooklyn. Un trottoir. Joey Norton (7 ans) dessine un cow-boy à la craie. L’Ouest légendaire repousse l’horizon de son imagination. Son frère Lennie (12 ans) s’approche sur son air d’harmonica. Joey lui fait grief de sa violence qu’il subit. L’aîné se passerait bien de s’occuper de son cadet, toujours dans ses pattes. Leur mère les quitte jusqu’à demain : grand-mère malade. La tuile : Lennie doit veiller sur son frère tout ce temps. Devoir qui le prive, le jour de son anniversaire, de sa sortie à Coney Island avec ses copains Harry et Charley. Un terrain vague les réunit tous les quatre après manger. Harry a ramené la carabine de son père. Un projet malicieux mûrit vite. Harry force Joey à mettre en joue son frère et à tirer sur lui. Lennie passe de vie à trépas. Harry assure à Joey la chaise électrique, châtiment que leur pays réserve à ses criminels. Joey décampe. La sonnerie du téléphone le débusque chez lui. Il faut fuir pour de bon, rafler en partant les billets laissés par maman, enjamber la fenêtre guillotine, les durs à cuire font pareil, filer à la gare, houp ! un flic, prendre le train de ses rêves pour se réveiller à Coney Island : la plage féerique. Tournis du carrousel, rudesse des lancers, vertiges des glissades, si étranges miroirs et vrais poneys. La nuit tombe vite quand on est seul et recherché. Joey dort sur la plage. L’aube disperse ses songes. Le Pony Ride sait les ranimer, et comment ! Mais Jay, son patron bienveillant, s’alarme de sa présence répétée. Sa ruse dépêche Lennie sur place. Joey a pris peur, où est-il ? Heureux orage qui dépeuple la plage, Joey ressurgit, Lennie ne peut le manquer. Ne serait-ce pas le contraire ? Lennie réapparaît : Joey peut le toucher. C’était une blague ! 18 heures, à l’heure ! Leur mère n’est pas rentrée, le western va commencer : de l’or, une diligence, des coups de feu, des chevaux qui s’ébrouent, Morgan s’est enfui, Jim n’a rien vu. Et une mère n’a rien su. La voilà, elle ouvre la porte.
Pourquoi ce film a été choisi
Par Roland Hélié des Fiches du Cinéma,
Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 1953, Le Petit fugitif est l’œuvre d’un triumvirat princier : Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley. Les deux premiers sont de très grands photographes, le troisième est romancier. Ensemble, sans tambour ni trompette, ils inventent ce qu’on appellera, faute de mieux, le cinéma américain indépendant. Le film fera la couverture de l’historique numéro 31 des Cahiers du cinéma, et François Truffaut son devoir, en rappelant plus tard ce que Les 400 coups et À bout de souffle lui doivent.
Grâce à une caméra 35 mm exceptionnellement légère, spécialement fabriquée pour le tournage par Paul Strand, Morris Engel - qui reste la pièce maîtresse de ce brelan d’as - peut filmer sur le vif, dans des conditions de tournage habituellement réservées au documentaire, et suivre son personnage de petit poulbot new-yorkais à travers la foule de Coney Island, dans le métro et ainsi de suite. Nous voici donc téléportés, au début des années 1950, dans un Brooklyn de craie sale et de fusain gris.
C’est l’été. Persuadé d’avoir tué son frère, Joey, affolé, prend la fuite et se retrouve à Coney Island. Miracle de l’enfance ! Face à l’immensité de la plage, au chatoiement des attractions foraines, aux étals de friandises, le délit de fuite se mue en fugue émerveillée, la peur, en un tendre après-midi ensoleillé, le sens de la faute, en école buissonnière de la vie. La photographie est exceptionnelle, et parfaite la sensibilité de la mise en scène à l’évocation de ce moment d’errance heureuse. À l’image des Contrebandiers de Moonfleet, Le Petit fugitif est non seulement un grand film de l’enfance, de l’enfance toujours recommencée, mais un grand film auquel les enfants, pour peu qu’on puisse parler en leur nom, devraient prendre un très vif plaisir.
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