Une année polaire
Résumé du film
Pour son premier poste d’instituteur, Anders choisit l’aventure et les grands espaces: il part enseigner au Groenland, à Tiniteqilaaq, un hameau inuit de 80 habitants. Dans ce village isolé du reste du monde, la vie est rude, plus rude que ce qu’Anders imaginait. Pour s’intégrer, loin des repères de son Danemark natal, il va devoir apprendre à connaître cette communauté et ses coutumes.
Pourquoi ce film a été choisi
Par Laurence Loeffel, inspectrice générale de l’éducation, du sport et de la recherche
(Transcription de la pastille vidéo ci-contre)
Une année polaire, c’est l’histoire d’un jeune instituteur danois, Anders, qui décide de prendre son premier poste d’enseignant dans le minuscule village inuit de Tiniteqilaaq au Groenland. Son entretien d’embauche inscrit d’emblée sa démarche sous le signe d’une mission civilisatrice. C’est pourtant lui, le Danois venu de la ville, qui va vivre à ses dépens une expérience initiatique au cours de laquelle il lui faudra désapprendre et se défaire de ses représentations néocoloniales. En effet, se dévoile petit à petit à lui la vérité de sa place et de son rôle, au sein de cette société inuite. À travers les yeux des autres, il comprend qu’il est l’instrument d’une domination linguistique, culturelle, économique. Le film suit les interrogations de ce jeune instituteur assorties du désir de rentrer chez lui au Danemark : est-il en capacité d’exercer son métier dans ce contexte ? Ses croyances, Ses certitudes, s’effritent assez vite. Venu pour sauver les autres, c’est finalement lui qui sera sauvé.
Au premier plan de ce récit, se trouvent des enfants. Des enfants qui (à l’image de leurs parents et de leurs grands-parents) résistent à l’inculcation culturelle danoise par tous les moyens dont dispose l’enfance : le chahut, la moquerie, le rire. L’instituteur est donc en confrontation permanente avec ses élèves. La langue constitue le terrain de l’affrontement le plus irréductible et le plus violent, le lieu par excellence de l’incompréhension réciproque. Rapidement, le doute s’installe sur le bien-fondé de ce qu’il a à enseigner.
Anders se liera plus spécialement avec l’un de ses élèves, Asser, 11 ans, que l’école n’intéresse aucunement et qui souhaite devenir chasseur comme son grand-père. Comme dans toutes les familles de ce village, les adultes ont besoin que l’enfant grandisse en prenant part aux tâches qui font vivre la communauté. On trouve ici tout un symbole de transmission réussie, là où le professeur a échoué. C’est finalement lui qui apprendra de cet enfant et de son savoir-faire : conduire un traîneau, fabriquer un harnais, chasser. Une année polaire porte un message fort : la vocation des éducateur·rice·s est de conduire l’enfant vers ce qu’il·elle a envie de devenir, et non de lui imposer une destinée. Malgré la complexité du sujet, Samuel Collardey le traite avec légèreté et même avec gaieté.
C’est un film plein d’humour, tourné sans acteur·rice·s professionnel·le·s, dans lequel chacun·e joue son propre rôle. Cet aspect du film s’apparente au documentaire. Il en a les aspects aussi, lorsque la caméra se fait anthropologue, plongeant dans le quotidien des Inuits, s’arrêtant sur leurs visages et sur leurs gestes, détaillant leurs pratiques et leurs coutumes. Cette porosité entre le fictionnel et le documentaire rend le film incroyablement réaliste et vivant. Les personnages sont criants de vérité, ce qui les rend d’autant plus attachants. Les spectateur·rice·s vivent pendant une heure trente avec les Inuits, partageant leur culture et leurs vies.
Au-delà du plaisir qu’il suscite, c’est la capacité du réalisateur à conjuguer intérêt de la forme filmique et intérêt pédagogique qui a convaincu unanimement les membres du comité.
On retrouve au sein même du catalogue École et cinéma un contrepoint tout à propos : Nanouk l’esquimau de Robert Flaherty (1922), qui oscille lui aussi à sa manière entre la fiction et le documentaire.
Carte postale numérique
Extrait vidéo
Ailleurs
Présentation du film par Laurence Loeffel, membre du comité de sélection pour École et cinéma, à l’occasion des Rencontres Nationales des dispositifs (Clermont-Ferrand, 2022).