Tableau (Le)

Par Marguerite Debiesse des Fiches du Cinéma,

Il était ambitieux de vouloir réaliser un film d’aventure pour la jeunesse qui séduise aussi les adultes, ne renonce pas à une haute exigence artistique et suggère une véritable réflexion sur les rapports humains. Mais le pari est tenu avec ce beau long métrage d’animation, qui offre, à foison, différents niveaux de lecture et de plaisir. Ancien élève des arts appliqués, initié à l’animation par Paul Grimault, J-F. Laguionie n’en est pas à ses débuts. Auteur entre autres du court métrage La Traversée de l’Atlantique à la rame (primé à Cannes en 1978), puis du Château des singes et, en 2003, du superbe L’Île de Black Mór, il est assisté au scénario par sa complice Anik Le Ray.

Visuellement magnifique, le graphisme du Tableau mêle les influences des artistes de l’entre-deux guerres, la précision hyperréaliste de la 3D pour les décors de l’atelier et une brève séquence finale en prise de vue réelle. Matisse, Derain, Bonnard, Picasso, Gauguin, Modigliani, Gaudi... : si tous ces grands noms viennent à l’esprit à la vision du film, ils n’encombrent jamais le propos et la dynamique de la narration, restant comme une présente mais discrète initiation à l’art, en arrière-plan d’une fable humaine et politique, elle-même nichée dans une aventure pleine de rebondissements et de suspense.

La prise d’autonomie des personnages vis-à-vis de leur créateur n’est pas chose nouvelle, mais elle a rarement été traitée dans le domaine pictural et sous la forme d’une animation pour enfants. La bande originale raffinée complète avec brio cette histoire à laquelle on ne pourrait reprocher que son excès de richesse !