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Jiburo

Lee Jeong-hyang | 2002 | Corée du Sud

Résumé du film

Une jeune maman, élevant seule son enfant, le confie à sa grand-mère pendant les vacances d’été, le temps pour elle de chercher du travail. Très mécontent de se retrouver dans un village perdu de montagne, l’enfant mène la vie dure à sa grand-mère, une vieille femme au dos voûté, qui se déplace lentement et est muette. Très patiente, la grand-mère fait tout pour faire plaisir à l’enfant, qui se montre ingrat, parfois odieux. Ne pouvant plus se servir de sa console de jeux, aux piles usées, il s’ouvre à la réalité extérieure, fait connaissance avec un garçon voisin, Cheol-yee, dont il aime se moquer, et avec une fillette, Hae-yeon, dont il aimerait devenir l’ami. Progressivement, l’enfant s’attachera à sa grand-mère et, avant de partir, lui témoignera son attachement et son affection

Pourquoi ce film a été choisi

Nicolas Lenys
coordinateur cinéma École et cinéma - Cinéma Saint Leu

La femme tortue et l’enfant roi

Il était une fois un enfant-roi, capricieux et cruel, contraint de quitter son trône pour passer quelques jours chez sa vieille mère-grand qui demeure dans une maisonnette isolée située au beau milieu des bois, dans la montagne...

Sur fond apparent de conflit des générations et de rejet des différences, Jung-hyang Lee livre une fable moderne, relate le récit initiatique d’une rencontre touchante entre deux âges que tout semble éloigner, raconte l’histoire d’une domestication avec force d’abnégation et de patience sur le chemin laborieux de la découverte et de l’adoption de l’autre. Jiburo ne dépeint pas un banal antagonisme entre deux individualités, scénario somme toute trop familier. Doté d’un caractère trempé et défini, fils unique identifié, aux parents séparés et à la figure paternelle absente, Sang-woo est un garçon égocentrique qui vit avec satisfaction en autarcie, prépare lui-même ses repas, joue seul, ne partage pas et refuse même la nourriture que d’autres partagent avec lui. Or, son irrespect et sa désinvolture ne suscitent pas de réactions répressives chez son aïeule qui lui répond par une affection et un dévouement sans bornes : grand-mère stoïque et sage, incarnation sans nom, sans âge et sans paroles, force tranquille qui se fond dans ce paysage séculaire et dont le fragile logis paraît ne faire qu’un avec la Nature.

Bien au contraire, ce retour aux sources et le lien qui se tisse entre ces deux extrêmes se traduit sur la pellicule par le biais d’un travail soigné de la composition du cadre. Qu’ils soient filmés au même niveau (courbée, la grand-mère mesure la même taille que son petit-fils), réunis par la profondeur de champ ou qu’ils adoptent un mouvement, une posture ou un regard identiques, grand-mère et petit-fils se font écho et se comprennent si bien que -in fine- ce dernier, reconnaissant, emprunte à l’autre son langage et lui offre en échange des cartes représentant son super-héros, parachevant ainsi l’abolition des frontières naguère par lui-même dessinées et renouant ainsi avec ses racines : la boucle est bouclée. Parabole sur le langage, parcimonieux en dialogues, Jiburo s’avère pourtant éloquent et expressif au travers des gestes et des expressions de ses deux personnages principaux.
Usant d’une imagerie soignée et créative, Jung-hyang Lee parvient à compléter de couleurs et de sens les espaces blancs : en consacrant toute son attention à son petit-fils sans prononcer une seule parole, la grand-mère démontre que les actions résonnent parfois plus fort que les mots. 


Catherine Mallet
coordinatrice École et cinéma - Cinéma Jean Renoir (Martigues)

Sur le chemin des émotions…

S’il y a bien un film Ecole et cinéma qui provoque de multiples réactions chez les enfants, les enseignant.es.s et adultes accompagnateur.rices.s, c’est bien Jiburo !Il y a des mots, des titres de films, qui parfois vous accompagnent toute une année durant. Jiburo fait bien partie de ceux-là. Il a marqué les esprits des équipes pédagogiques : excellent film. Film que je pensais difficile d’accès pour nos élèves mais qu’ils ont en fait adoré ! Film d’une grande délicatesse qui a provoqué beaucoup d’émotions chez les enfants : ils étaient en colère contre Sang-Woo. Certains élèves ont pleuré, d’autres ont ri, l’ambiguïté du personnage a suscité beaucoup de réactions.

Avec Jiburo, c’est tout un monde qui s’offre aux enfants. Au cœur de la Corée du Sud, dans des paysages et modes de vie tellement différents de nos quotidiens, il se joue avec une grande intensité la transformation d’un enfant. Au-delà du contexte, la force de la situation proposée par la réalisatrice est intemporelle et universelle : la relation entre une grand-mère et son petit-fils. Tous les enjeux du film seront de l’ordre du parcours, du cheminement (la plongée magnifique sur le bus qui serpente le paysage), du tissage, de l’hésitation, de l’affrontement, de la blessure, de la déception, de la confiance, de la reconnaissance… et vécus le temps des vacances. En salle, les enfants vivent au même rythme que Sang-Woo cette rafale émotionnelle. Déjà programmé il y a quelques années, c’est sans hésiter que nous l’avons proposé en film commun cycle 2/3 en 2020. Toujours et encore, la force des films, des situations, leur complexité procurent tellement de plaisir aux enfants : celui de l’expérience émotionnelle et celui de la pensée.

À l’aide de l’outil CinAimant, les ateliers en classe ont permis de verbaliser à l’appui des photogrammes ces émotions, de les partager avec ses pairs. Et oui Sang-Woo bouscule, la réalisatrice n’hésite pas à nous montrer ses attitudes honteuses, dérangeantes envers sa grand-mère ! En salle, vives réactions ! Jiburo catalyse particulièrement, ce que le cinéma nous apporte d’essentiel, l’altérité. D’autres films du catalogue mettent en avant des parcours d’enfants : Paï, Tout en haut du monde, Le Chien jaune de Mongolie, Le Cheval venu de la mer… que de rencontres captivantes quand on construit son identité, sa force, son courage…La complexité d’être soi, d’être dans son monde et dans LE monde.

Un vrai coup de cœur !

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Bibliographie

La Vieille Chéchette
La Vieille Chéchette
Louise Michel et Stéphane Blanquet, Albin Michel jeunesse, 2008, à partir de 5 ans.
La vieille Chéchette est une vieille folle. C’est du moins ce qu’aiment à penser les villageois parce qu’elle vit seule dans les bois, dans la misère.